nous transpirons l’acte de grandir

nous rêvons de grandeurs, de monstruosité. nous rêvons des larmes aux yeux, des frissons qui parcourent le corps. nous rêvons des grandes traversées, de sentir qu’on appartient à l’autre. nous rêvons des fissures et des crevasses qui s’ouvrent pour laisser passer le laid, le transformé, le beau.

nous parlons de mutation et de tendresse, comme si nous en étions les gardien·nes, comme si c’était innovant de s’aimer, de s’haïr.

nous parlons de nos vulnérabilités; à quel point elles sont belles, à quel point c’est un mot fourre-tout, à quel point on aime l’utiliser quand même.

nous ne parlons jamais de vieillir; notre vocabulaire ne contient pas l’échec. mais nous touchons les rides qui transforment nos corps comme si c’était la seule façon de nous ramener à la réalité; à celle qui nous échappe quand on décide de dévier ensemble.

nous avons peur de nous lasser, que nos visages cessent de nous ressembler, que nos ventres soient restés trop longtemps ouverts pour y laisser pendre nos tripes.

nous cachons nos failles pour nous montrer sous notre plus beau jour. nous sommes des expert·es du faux-semblant et, en même temps, de la vérité crue.

nous décidons que d’être autre se vaut autant que d’être soi. on se le répète pour éviter les ambiguïtés, quoique ça fait du bien, des fois, de ne pas savoir.

nous avons toujours quelque chose à dire. ça sort parfois tout croche. rien n’est plus effrayant qu’une artiste à la recherche de la bonne chose à dire.

création : Rozenn Lecomte Interprétation : Sarah germain

en résidence à la charpente des fauves (festival casse-gueule 2023)